À force de jongler entre vos responsabilités parentales, vos exigences professionnelles et les tâches ménagères, vous ne savez plus où donner de la tête. Si le manque de sommeil, de soutien ou de communication dans votre couple se superpose à ces défis, il est fort probable que vous vous sentiez stressé, épuisé, voire au bord de la crise de nerfs et du burn-out parental.
Que vous soyez père ou mère, vous êtes pris dans un tourbillon quotidien d’attentes et de pressions auxquelles vous tentez de faire face comme vous le pouvez. Dans une société qui tend à idéaliser l’image de la parentalité, le sujet de l’épuisement parental reste une source d’interrogations, de confusions et de tabous.
Pourtant le burnout parental toucherait jusqu’à 5 % des parents. Quelles distinctions opérer avec le burn-out professionnel ? Quels signes notables doivent vous alerter et quels sont les risques ? Nos psychologues vous guident.
Le burn-out ou épuisement parental : définition
Si les classifications officielles telles que le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) ne reconnaissent pas le burn-out comme un trouble de santé mentale, le corps médical le désigne comme un syndrome, c’est-à-dire un regroupement de plusieurs signes ou symptômes en lien avec un état pathologique donné. Cet état d’épuisement physique, émotionnel et mental ne se cantonne pas à la sphère professionnelle et touche aussi les parents à bout de souffle.
D’un idéal de vie familiale au cauchemar
Nombre de parents fantasment l’arrivée de leur premier enfant et déchantent face aux pleurs de bébé, aux couches à changer et au manque de sommeil. Il faut dire que les réseaux sociaux, et plus largement les médias, préfèrent mettre en scène des familles épanouies nageant dans le bonheur plutôt que des pères et des mères dépassées.
Cet idéal de vie familiale relègue les émotions négatives et les questions dérangeantes liées à la parentalité au second plan, quand elles ne sont pas totalement occultées par l’entourage et la société. Il reste donc encore malvenu de clamer son mal-être et ses difficultés à s’épanouir son rôle de père ou mère.
Parents fatigués et stressés ou ultra-stressés et épuisés ?
Enchaîner les allers et retours entre l’école et la maison, gérer les devoirs et les activités extra-scolaires, planifier les repas et les visites chez le pédiatre. À l’échelle d’une journée, tous les parents ressentent du stress et puisent dans leurs ressources pour y faire face. Néanmoins, les facteurs de stress inhérents au rôle de parent se manifestent rarement au même moment.
Dans leur ouvrage Le burn-out parental : Comprendre, diagnostiquer et prendre en charge, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak utilisent la métaphore de la balance pour illustrer le déséquilibre qui s’opère lorsqu’un père ou une mère ne dispose pas de réserves suffisantes pour contrebalancer le stress quotidien, ou lorsque les éléments stressants s’accumulent jusqu’à faire pencher la balance du mauvais côté.
Ce point de bascule marque la frontière entre le stress ordinaire et le stress chronique. Contrairement au stress aigu qui renvoie à une réaction immédiate face à une situation stressante, le stress chronique persiste au fil des semaines. Les responsabilités et les défis associés à la parentalité entretiennent alors un état de tension, de préoccupation et de pression émotionnelle qui perdure.
Du stress chronique au burn-out parental
Pourquoi certains parents en arrivent-ils à un tel degré de détresse et pas d’autres ? Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak expliquent que le déséquilibre entre les défis du quotidien et l’absence de ressources suffisantes crée toutes les conditions de l’épuisement.
Les chercheuses en sciences psychologiques précisent que le burn out parental prend sa source dans « un déséquilibre important et prolongé de la balance. » Ce dernier est la conséquence directe de l’accumulation de facteurs de risques sans que des ressources aient été « suffisamment ou efficacement mobilisées. »
Quels sont les trois signes et symptômes majeurs du burn-out parental ?
Les travaux d’Isabelle Roskam et de Moïra Mikolajczak mettent en avant trois grandes facettes du burn-out parental. Contrairement au syndrome d’épuisement professionnel, le diagnostic peut être posé quand 60 % des symptômes du burn-out s’avèrent suffisamment sévères et fréquents.
Symptôme n° 1 : L’épuisement physique et émotionnel
L’épuisement physique et émotionnel reste le signe majeur du burn-out parental. Vous sentez que vos réserves sont à sec. Vous ne disposez plus du carburant nécessaire pour avancer sur la route de la parentalité, tant sur le plan physique que mental et émotionnel. Vous agissez machinalement au quotidien, comme si vous étiez devenu un robot dépourvu d’émotions.
Cet état de fatigue intense ne vous lâche plus. Vous vous réveillez épuisé, même après une bonne nuit de sommeil ou une grasse matinée le week-end. Vous déployez même des efforts titanesques pour sortir du lit le matin. La simple pensée des actions à mener avec ou pour les enfants vous épuise d’avance. En somme, vous rêvez d’hiberner durant des jours pour vous reposer.
Symptôme n° 2 : La distanciation affective avec les enfants
Le burn-out parental se manifeste par une distanciation affective avec les enfants. Vous avez fini par désinvestir votre rôle de parent. Certes, vous aimez toujours autant votre progéniture. Mais vous ne parvenez plus à lui démontrer concrètement cet amour maternel ou paternel. Vous ne disposez plus de l’énergie nécessaire pour vous investir pleinement dans la relation parent-enfant.
À ce stade, il est très probable que la relation avec vos enfants se résume à une succession de routines : préparer le petit-déjeuner, les déposer à l’école, filer les récupérer, leur donner le bain, les coucher. Vous vous efforcez de répondre à vos obligations parentales sans parvenir à leur offrir davantage. Peut-être avez-vous l’impression de jouer un rôle sur la grande scène de la parentalité. Ce fonctionnement relève en fait du mécanisme de défense pour supporter l’épuisement.
Symptôme n° 3 : La perte d’épanouissement dans le rôle de parent
Vous arrivez à saturation et n’en pouvez plus d’assumer votre rôle de parent. Toutes les tâches qui vous incombent sont devenues étouffantes, vous perdez pied à force d’assumer ce rôle qui vous coûte tant. Vous ne tenez pas forcément vos enfants pour responsables de votre mal-être. Ce sont plutôt les attentes et les pressions liées à la parentalité qui vous semblent insupportables.
L’impression que la coupe est pleine se traduit par une perte de plaisir et un manque d’épanouissement dans votre rôle de parent. Jouer à un jeu de société, préparer un gâteau ou faire du vélo avec vos enfants : vous vivez ces activités, autrefois source de joie, comme de véritables corvées. L’épuisement érode la capacité à apprécier les expériences positives du quotidien.
Les conséquences du burn-out parental
Le burnout parental présente souvent des conséquences néfastes concernant les relations au sein de la famille, du couple et l’état de santé des parents.
Conséquence n° 1 : Les troubles du sommeil
Les pères et les mères épuisés souffrent davantage d’insomnies et peinent à récupérer à cause d’un sommeil de piètre qualité. Le stress et les troubles du sommeil entretiennent un réel cercle vicieux. Le manque de sommeil affecte la capacité à gérer les situations stressantes du quotidien. Et le stress chronique entame à la fois la qualité et la quantité du sommeil. Au réveil, la sensation de fatigue est similaire à celle d’un individu sur le point d’aller se coucher.
Conséquence n° 2 : Les phénomènes de dépendance
Le burn-out multiplie les risques de dépendance à une substance et les probabilités de dépendances comportementales. Qu’il s’agisse d’affronter le quotidien ou de se distraire, certains parents trouvent du réconfort dans l’alcool, les psychostimulants ou les anxiolytiques. Les addictions au jeu et au travail répondent au besoin d’évasion des pères et des mères en souffrance.
Conséquence n° 3 : Les difficultés conjugales
Le burn out parental impacte la libido, tout en augmentant à la fois l’irritabilité et le besoin de s’évader. Ces facteurs fragilisent le couple et accentuent les failles déjà présentes. Le stress chronique et les disputes à répétition émoussent le désir, ce qui accroît la probabilité de relations extraconjugales. Le syndrome d’épuisement multiplie la fréquence des conflits, qui augmentent à leur tour la sévérité du burn-out.
Conséquence n ° 4 : L’irritabilité et la colère
Dans le cadre du burn-out, plus un parent peine à gérer ses émotions, plus il se laisse envahir par l’irritabilité et la colère. Les exigences de la parentalité, combinées au stress et à un fort état de fatigue, créent une sensibilité émotionnelle accrue. Un père ou une mère s’agace facilement et pique des colères de manière excessive pour de petites contrariétés, là où il n’aurait pas réagit autrefois.
Conséquence n° 5 : La dépression et les idées noires
Un burn-out parental non pris en charge laisse généralement entrevoir les premières phases de la dépression. C’est notamment le cas quand le parent se replie sur lui-même, ou lorsque le couple se détériore. L’envie de fuir et les idées suicidaires sont encore plus importantes lorsque l’épuisement se manifeste dans la sphère familiale.
S’il est possible de changer d’emploi et de se rétablir grâce à un arrêt de travail lorsque le burn-out professionnel frappe, un parent ne peut ni démissionner de son rôle ni être placé en congé de ses enfants. C’est pourquoi il est d’autant plus difficile de sortir d’une dépression découlant d’un burn-out parental.